Le trésor fut découvert en novembre 2012 par un particulier sur un terrain lui appartenant, dans le quartier de la gare, à Oissel, au sud de Rouen. Constitué de deux monnaies en or, 941 monnaies en argent et quatre anneaux, il fut amassé au début du XVe siècle, en pleine guerre de Cent Ans.
Déclaré par son inventeur au Service Régional de l’Archéologie de Haute-Normandie, le trésor fut intégralement nettoyé avant de faire l’objet d’une étude numismatique complète par Jens Christian Moesgard, Musée National du Danemark, avec le soutien du Grosserer Emil Schous Fond.
Important témoignage de la circulation monétaire en Normandie pendant la guerre de Cent Ans, le trésor d’Oissel forme l’un des trésors locaux les plus conséquents pour la fin du Moyen Âge. À l’instar des trésors contemporains d’Ivry-la-Bataille (Musée de Normandie, Caen) et de Saint-Martin-le-Gaillard (Musée Louis-Philippe, Eu), il présente de façon exceptionnelle des bijoux. En évitant la dispersion de ce trésor, le Musée des Antiquités favorise l’étude de cet ensemble, dans la mesure où les recherches pourront être reprises sur un fonds à l’intégrité préservée, avec l’évolution des techniques d’analyse. Le fonds du musée, riche en monnaies mérovingiennes, carolingiennes et ducales, s’enrichit par la même occasion en monnaies émises par les souverains Valois.
La date d’abandon du trésor peut-être connue, elle se situe entre la date de frappe des monnaies les plus récentes (10 mai 1417) et la date de l’émission suivante (21 octobre 1417) dont les éléments représentatifs font défaut dans le trésor. La part des monnaies antérieures de plus de cinq ans à la date d’abandon représente quant à elle plus de la moitié des monnaies du trésor, ce qui indique que ce dernier est bien le fruit d’une longue thésaurisation. Le nombre important des monnaies et la présence des quatre bijoux semblent plaider pour l’hypothèse d’un enfouissement volontaire.
Le trésor est le reflet d’un système monétaire plurimétallique, puisque les monnaies furent frappées dans différents métaux, avec toutefois une nette prépondérance de l’argent, conformément à ce qu’il est possible d’observer dans d’autres trésors du début du XVe siècle. Aux deux monnaies d’or (agnels) s’ajoutent 941 monnaies d’argent (916 guénars, un gros tournois et deux florettes).
L’intégralité des monnaies, au nom de Charles VI, provient d’ateliers sous contrôle royal français, à l’exception de 21 monnaies frappées à Auxonne pour les ducs de Bourgogne et une monnaie émise par les ducs de Bretagne. La géographie de ces ateliers est très diversifiée, même si une grande partie des monnaies fut frappée à Tournai, Paris et Rouen. L’importance quantitative des ateliers de Tournai s’explique par leur proximité avec la Flandre, alors un centre important en matière de commerce des métaux précieux. Une telle diversité n’est cependant pas surprenante et ne saurait être attribuée aux conflits, puisqu’avant le début de la guerre, la monnaie circulant dans le royaume de France était, selon les termes de l’historienne Jacqueline Pilet-Lemière, non seulement royale et française, mais aussi seigneuriale et étrangère.
La devise CESTTOUT se déroule à l’extérieur de l’un des anneaux du trésor, dotant clairement ce bijou d’une dimension courtoise. Composée en lettres gothiques, la devise offre un élément de datation d’intérêt, puisque c’est dans les années 1350 que les majuscules rondes, dites lombardes, furent abandonnées au profit des lettres gothiques. Ce bijou fut donc créé au cours de la seconde moitié du XIVe siècle ou au début du siècle suivant.
Véhiculé par la littérature française, l’amour courtois, où chevaliers et dames s’offraient des gages de leur amour, comme des anneaux, constituait un code de conduite qui associait humilité, courtoisie et dévotion de l’amant à sa dame, sur le modèle de l’obéissance vassalique. Ces rapports avaient le plus souvent pour cadre la cour, d’où le nom d’amour courtois. Il inspira non seulement la littérature, mais aussi toute une partie de la production artistique liée à la vie intime, comme par exemple les tablettes à écrire en ivoire dont le musée possède un bel exemple.
© Photo Yohann Deslandes