Avec les sites de Lillebonne et du Vieil-Evreux, la Normandie se distingue parmi les plus riches territoires pour les vestiges de l’époque gallo-romaine. Non loin de la ville d’Eu, les fouilles se poursuivent autour d’un autre site majeur qui n’a pas fini de révéler ses secrets.
Depuis sa redécouverte à la fin du XVIIIe siècle, le site antique du Bois-l’abbé (Eu, Seine-Maritime) n’a cessé de passionner la population locale, les érudits et chercheurs, qui ont entrepris de nombreuses fouilles, principalement sur un grand sanctuaire. Depuis 2006, une fouille programmée, menée par Étienne Mantel (DRAC Normandie) et Stéphane Dubois (INRAP), a porté d’abord sur le centre monumental, puis sur un quartier proche où on découvre les maisons et l’équipement urbain. Ces recherches extensives démontrent la genèse d’une ville antique aux origines gauloises, aux confins nord-ouest de l’Empire romain. À partir du Ier siècle avant notre ère, la ville se monumentalise et s’agrandit progressivement, équipée d’un théâtre, de thermes (bains publics), d’une basilique et d’un grand temple. Les nombreux blocs architecturaux sculptés ainsi que les fastueux décors d’enduit peints, très rares en Gaule du Nord, en témoignent. La découverte en 2007 d’une exceptionnelle statuette de Mercure en argent souligne l’importance de cette divinité tutélaire au sein des cultes locaux de la petite ville gallo-romaine. Il y a un peu plus de 2000 ans, cette ville s’appelait BRIGA.
Redécouverts à la fin du XVIIIe siècle lors du percement du chemin vicinal d’Eu à Foucarmont, les premières campagnes officielles furent menées par une équipe de terrassiers en 1820 et 1821 sous l’égide de Louis Estancelin, régisseur de la forêt domaniale d’Eu. Des vestiges monumentaux datés de l’époque romaine rapidement interprétés comme étant ceux d’un temple furent mis au jour. Parallèlement, des sondages pratiqués sur un relief sous couvert forestier situé en contrebas révélèrent la présence d’un édifice alors reconnu comme un amphithéâtre. Le défrichement d’une vaste clairière et la création d’une exploitation agricole au lieu-dit Bois-l’Abbé vers 1860 furent entre autres à l’origine de la découverte d’un trésor monétaire. C’est ce qui incitera l’abbé Cochet à faire pratiquer à son tour des fouilles archéologiques par Paul-Henri Cahingt en 1872 sur ces deux monuments, ainsi que sur les « Petits Thermes ». Mais la mort prématurée du père de l’archéologie normande en 1875 mettra un terme pendant près d’un siècle aux investigations sur ce site…
Sur le territoire des Gaules, plus d’un millier de sites de la même envergure sont recensés, seul quelques dizaines ont fait l’objet d’investigations plus ou moins importantes. Depuis 1820, seuls 2,5% de la surface du site de Briga ont été fouillés. Il reste environ 65 hectares (ou plus) à interroger pour mieux appréhender les développements liés à la genèse de la ville, à son fonctionnement, à son évolution et à son abandon.
Agglomération dite secondaire, Briga constitue l’un des fleurons de la recherche sur l’organisation et la gestion d’un territoire au sein d’ensembles plus vastes que sont la cité, la province et, pour finir, l’Empire. Il reste à partager avec tous cet état actuel des connaissances, à charge aux suivants de l’étendre et de faire fructifier ce lieu aux aptitudes immenses.
En partenariat avec la DRAC
1. Ernest Varambaux, Ruines gallo-romaines, aquarelle, 1872, Eu, Archives municipales. / 2. Céramiques issues du quartier nord de Briga / 3. Statuette de Mercure, argent, découverte nord du centre monumental en 2007, fin du Ier siècle avant J.-C. - début du Ier siècle après J.-C., © AZ (Eu) / SRA Normandie